Assurer la diversité en entreprise : un enjeu majeur amplifié par la pandémie mondiale !

Dans le contexte actuel de crise sanitaire, de généralisation du télétravail et de revendications de justice sociale portées par des minorités vocales, la question de la diversité au sein de l’entreprise devient primordiale. Elle impose aux dirigeants, la nécessité de prendre en compte de façon urgente la diversité sociale et son impact sur les conditions de travail à domicile des salariés. Plus qu’un critère de performance et de responsabilité sociale, la gestion de la diversité est un enjeu majeur pour assurer le succès de l’entreprise.

Mercedes Erra – Fondatrice et Présidente de BETC Groupe, Guillaume Alvarez – Président de Steelcase France et Vice-Président EMEA de Steelcase, Christophe Catoir – Président d’Adecco, ont partagé leurs expériences et leurs stratégies durant la session des Leaders Master Class du mardi 16 mars 2021. 

Télétravail : l’amplification des problématiques d’inégalité et de diversité sociale en entreprise

La généralisation du télétravail a fait émerger l’urgence de traiter la question de la diversité sociale en entreprise. 

Guillaume Alvarez« Il est important pour nous d’apporter un traitement adapté aux uns et aux autres, notamment pour les collaborateurs qui évoluent en usine et sur les pôles logistiques et qui ne peuvent travailler qu’en présentiel. Nous nous sommes d’abord attachés à la sécurisation des usines que nous avons fermées pendant trois semaines, le temps de les adapter pour protéger complètement chaque poste de travail. Ensuite, nous avons restructuré les bureaux pour assurer la sécurité sanitaire de tous nos collaborateurs ». 

Une organisation adaptée pour les collaboratrices chez Steelcase : 

« Pour nos collaboratrices, nous avons prêté beaucoup d’attention aux conditions de travail à domicile. Le télétravail représente un nouveau challenge, dans les foyers où les tâches familiales ne sont en général pas ou peu partagées. Dans ce domaine, il y a une très grande diversité en Europe où la répartition des tâches et l’égalité homme-femme n’est pas du tout vécue de la même manière dans tous les foyers. Nous nous sommes attachés à rester très proches de nos collaboratrices qui rencontrent des situations compliquées à leur domicile, nous avons, par exemple, assoupli leurs horaires de travail  de manière à pouvoir les aider dans les moments importants. »

Index de la diversité : faut-il compter pour inciter les entreprises à la diversité ? 

La mise en place de quotas pour inciter les entreprises à la diversité est une solution controversée.

Si Mercedes Erra et Christophe Catoir sont très favorables à l’instauration de quotas en faveur de la diversité en entreprise, d’autres dirigeants sont plus réservés sur la faisabilité et l’impact de cette mesure :

Mercedes Erra : « Il faut pousser les entreprises ! Et vous me voyez arriver… j’ai déjà poussé, avec bonheur, les conseils d’administration à adopter des quotas de femmes et il faut faire la même chose maintenant dans les comités exécutifs. Il faut laisser du temps pour que les choses s’organisent, mais je pense qu’il faut l’imposer. Pourquoi faut-il l’imposer ? Parce que rien ne bouge dans les pays qui ne l’imposent pas et que tout bouge dans les pays qui l’imposent. » 

Christophe Catoir : « Si vous voulez faire des changements rapides (…) vous êtes obligés d’imposer des contraintes et je pense que les quotas sont indispensables pour aller plus vite. »

Une vision que Guillaume Alvarez  ne partage pas car, pour lui, il vaut mieux convaincre qu’obliger : « On s’engage à convaincre plutôt qu’à obliger. Nous n’avons pas instauré de quotas de diversité dans nos recrutements, mais nous nous challengeons les uns, sur notre capacité à faire progresser chaque nouveau collaborateur. Nous prenons en compte ce qui fait sa spécificité : genre, ethnie, religion, formation etc. pour l’accompagner dans son évolution de carrière, avec des mentors, des coachs, qui sont là pour s’assurer que sa personnalité est comprise, que ses talents sont identifiés et que l’on continue à l’aider à se développer avec des objectifs très concrets. La diversité dans l’entreprise, il faut que ça fonctionne, que ce soit productif, que l’entreprise gagne, grandisse comme chacun de ses collaborateurs. »

Manager par la diversité : une histoire d’expériences et de rencontres

Guillaume Alvarez : « Ce sont les expériences vécues qui forgent les convictions. On peut écrire ce que l’on veut, c’est l’expérience vécue au quotidien, pas seulement au moment du recrutement ou au moment de l’avancement de carrière mais surtout de la prise de décision tous les jours. C’est cette expérience qui va forger des convictions, ces convictions vont être porteuses de confiance, mais elles font également évoluer les comportements de tous. Chez Steelcase, nous sommes focalisés sur les actions quotidiennes, les choses vécues par tous, plus que sur les grandes déclarations d’intention ou sur des éléments de langage, nous nous attachons surtout à l’exécution dans l’action. »

Christophe Catoir :  « Il faut dire stop à la reproduction de clones dans l’entreprise. Cela m’a amené à travailler sur ce sujet avec le Ministère du Travail. Je pense que pour être efficace dans ce domaine il faut collaborer avec toutes les parties prenantes. Le Ministère du Travail avait le projet de monter un « Campus de l’Inclusion ». L’objectif était de former les cadres par le partage d’expériences. Pas de manière théorique en partageant leur expérience autour de la diversité : Comment ils manageraient au quotidien ? Comment lever les a priori d’un manager issu des mêmes écoles que ses collègues qui n’a jamais eu l’opportunité d’avoir une expérience avec des personnes venant d’autres horizons ? Le point important est que quand vous partagez, vous vous rendez compte que vous apprenez beaucoup des autres, c’est l’histoire des autres qui vous inspire plutôt que des règles d’or. » 

Les problématiques globales soulevées par la diversité en entreprise

La diversité, essentielle pour l’entreprise, doit être portée par ses dirigeants mais elle reste fortement dépendante du système éducatif :

Mercedes Erra : « La diversité est un sujet complexe. Nous recrutons des talents pour exercer des métiers de consultant stratégique et créatif. Quand je vais dans les grandes écoles françaises pour recruter ces profils, la diversité n’est pas là. La France a un problème avec la formation de ses enfants. L’égalité des chances n’existe plus, c’est bien au niveau des études supérieures que doit se faire l’égalité des chances. » 

Guillaume Alvarez : « Nous ne sommes plus naturellement exposés à la diversité. En France, il n’existe plus de creuset social. Nous avons une élite qui n’est pas consciente de son appauvrissement et une technologie qui nous amène constamment à faire ce que l’on sait le mieux faire, avec des gens avec lesquels on aime le faire, c’est un état de fait qu’il faut arriver à changer ! »

Christophe Catoir : « Il faut savoir manier la contrainte, mais aussi l’éducation. Si vous ne formez pas les dirigeants et les cadres à manager la diversité, le risque dans un environnement concurrentiel qui impose la performance c’est de refaire comme avant, reproduire le même modèle et se faire irrémédiablement dépasser. Il faut mettre fin à cette machine infernale qui génère que de des clones ». 

 

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